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Réponse à la une de Valeurs Actuelles "Le délire transgenre"


Note Fransgenre

Ce communiqué contient certaines positions que Fransgenre ne soutient plus depuis, en particulier concernant la notion de « folie », la définition du concept de genre, et des détransitions, mais pas uniquement.

Nous maintenons ce communiqué public par transparence, mais ne le soutenons plus aujourd'hui.


Les associations ATTO (Association Transgenre Toulousaine et Occitane) et Fransgenre s’associent pour faire part de leur colère et de leur indignation suite à la dernière une de Valeurs Actuelles, titrée “Le délire Transgenre”.

Qualifier la cause transgenre de « délire », ainsi qu’utiliser délibérément de terme « transexuel » au lieu de transgenre tout au long de l’article, démontre une volonté de son auteur de ramener la transidentité à une maladie psychiatrique, à un état de « folie » et sous-entend par là que les personnes transgenres seraient « malades » et incapables de distinguer le vrai du faux.

De plus, l’utilisation, là aussi par pure provocation, des mauvais pronoms et accords, ainsi que du prénom de naissance des personnes citées dans l’article est totalement irrespectueux et transphobe. Cela démontre bien sa volonté de nier l’identité de genre des personnes et de refuser de voir la transidentité comme quelque chose qui puisse être positif et libérateur pour les personnes concernées. Également, toutes notions de “transformation”, de “choix” ou encore l’emploi du verbe “devenir” sont à bannir. On ne devient pas trans, on l’est, et on ne choisit pas de l’être non plus. Et on ne se transforme pas, on transitionne. Maintenant que ces bases sont posées, revoyons ensemble quelques-uns des arguments avancés contre la cause trans dans ce dossier.

Il n’existe pas de lobby trans, ni d’idéologie, seulement une communauté soudée face à celles et ceux qui souhaitent la réduire à l’état de malades, de bêtes de foire et de marginaux. La présence grandissante de la communauté dans l’espace public s’explique par plusieurs facteurs, notamment l’accès facilité à l’information et la libération de la parole.

Et nous nous félicitons de cette nouvelle visibilité, qui permettra à un nombre toujours plus grand de personnes d’explorer leur rapport au genre, d’éventuellement entamer un parcours de transition, et surtout qui participe grandement à la déconstruction des normes de genre imposées par et à la société. La théorie du genre n’existe pas, hormis dans l’esprit étriqué de quelques individus réactionnaires et effrayés de voir la société et les stéréotypes sexistes s’effriter lentement. En revanche il y a bien une distinction « sexe » et « genre », n’en déplaise à certain·e·s. Se poser la question du genre et de ses stéréotypes apporte une grande liberté et une éducation moins genrée, un poids moins grand du genre social dans la société profitera à toutes et tous.

Malgré tout, n’oublions pas qu’une bonne partie de la médiatisation concernant la communauté trans fait débat au sein-même de cette dernière. En cause : le voyeurisme sans limite de la plupart des présentateurs, la censure de la parole des interviewés pour ne garder que le “spectaculaire”, ou encore l’utilisation de ce sujet à la seule fin de faire de l’audience.
Le “freak show” exposé à la télévision n’est que très peu représentatif de la diversité des expériences et des profils qui composent la communauté.

La France est un des pays en tête en Europe pour la reconnaissance des droits aux personnes LGBTQ+, cependant il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, la PMA sans discrimination, la facilitation des démarches administratives, la dépsychiatrisation du parcours médical, ou encore une meilleure formation du corps médical. Autant de points sur lesquels les conservateurs en tout genre craignent de perdre la société policée et rangée dans des cases bien nettes à laquelle ils sont attachés. Mais le monde évolue, la société évolue, et nous sommes fiers de participer à ce changement.

Pour une majorité des personnes transgenres, la transition sociale et/ou hormonale apporte une amélioration notable de la santé mentale, ainsi qu’une meilleure intégration dans la société et la vie active. Ce n’est donc pas un choix, mais une nécessité. Les cas de dé-transition sont extrêmement rares (moins de 1% des personnes trans), et sont pour un tiers environ liés à la pression psychologique d’un entourage malveillant. Parmi les autres raisons de détransition on peut aussi retrouver des problèmes rencontrés suite à une chirurgie défaillante. Les personnes dé-transtionnant parce qu’elles se rendent qu’elles ne sont pas trans ne constituent que 0,04% des cas selon cette étude américaine de 2021 : Regret after Gender-affirmation Surgery: A Systematic Review and Meta-analysis of Prevalence, Bustos et al., 2021 

Concernant les exemples cités dans l’article, ils sont anciens et exceptionnels. Le jeune garçon élevé en tant que fille a été victime d’une expérience sociale de la part du médecin, qui y a contraint la famille, et nullement d’un choix du garçon et/ou de ses parents. Cette histoire date de 1966 et pose de graves questions éthiques et morales, notamment de consentement, que la société moderne n’autorise plus. Il s’agit bien d’une expérience scientifique et non d’une transition de genre telle qu’on la connaît aujourd’hui.
Quant à Nathan Verhelst, il a bénéficié d’un suicide assisté à la suite de problèmes postopératoires importants, provoquant une grande détresse psychologique, et non directement de sa transidentité. Par ailleurs, il semblerait que sa mère l’ait également poussé à cette transition, ne souhaitant pas avoir de fille, pour finalement le renier. Le contexte social, familial et économique des personnes transgenres, ainsi que les nombreuses difficultés médicales subies lors d’un parcours de transition, sont très souvent à l’origine des problèmes psychologiques de ces personnes, bien plus que la transition en elle-même. D’où la persistance de la détresse psychologique qui peut perdurer après la transition, et qui n’y est nullement liée.

De fait, une prise en charge dès l’enfance des personnes transgenres peut grandement réduire ce risque, puisque les enfants n’ont pas à lutter contre eux-mêmes et leur entourage de longues années durant avant de pouvoir entamer leur parcours. Une transition effectuée tôt, avec le soutien des parents et après mûre réflexion, évite à ces enfants devenus adultes le recours à des opérations lourdes et douloureuses (ablation de la poitrine, ou encore épilation laser). Ce suivi permet tout d’abord à l’enfant de s’affirmer dans son genre avant d’entamer un parcours de transition. Ironiquement, la France a tellement de retard sur cette question qu’elle ne risque pas de faire face aux “détransitionneurs” américains cités dans l’article (des adultes regrettant d’avoir effectué leur transition trop jeunes). Il est tellement difficile de commencer un parcours hormonal avant la majorité que cela relève de l’exploit. Alors pourquoi dire que ces jeunes-là le font sur un coup de tête, pour suivre une mode, ou encore pour se rendre intéressants ? C’est impossible. Et quand bien même certain·e·s se questionnent, légitimement, et explorent leur rapport au genre avant de finalement décider de conserver leur genre de naissance, où est le problème ?

Et on ne parlera pas de ce psychiatre qui soutient que la majorité des enfants trans le sont parce qu’ils ont des rapports difficiles avec leurs parents... Digne de ce cher Freud. Et si nous nous demandions plutôt POURQUOI ces enfants ont des difficultés de communication avec leurs parents ? Au hasard, peut-être parce qu’ils savent ne pas correspondre à ce que la société attend d’eux ?

Enfin, concernant la présence d’athlètes transgenres dans le sport, une réglementation existe désormais pour faire en sorte que les femmes trans n’aient pas davantage de testostérone lors des compétitions majeures que les femmes cisgenres, comme l’explique cet article concernant l’athlétisme : Régulations de l'IAAF Athletics sur la catégorie "femmes" . Nous rappelons aussi que la participation des personnes transgenres aux compétitions sportives est encore difficile, et que les nombreuses discriminations qui existent à tous les niveaux font de la pratique du sport une activité très peu accessible. A commencer par le refus de certaines organisations de laisser les sportif·ve·s concourir dans la bonne catégorie de genre. Pour reprendre l’exemple de VA, le cas de la boxeuse MMA Fox Fallon, dans ce sport aussi des règles existent pour s’assurer de l’égalité entre les combattantes. Pour en savoir plus sur cette boxeuse et les règles auxquelles elle doit se soumettre : A Pioneer, Reluctantly, NY Times, 2013.

Pour conclure, l’ouverture de nos sociétés à la transidentité est une chance incroyable d’explorer le genre humain dans toute sa diversité. Permettre à chacun·e d’explorer et exprimer librement sa façon d’être est autant d’occasions de faire grandir la société : un être humain heureux est un être humain intégré et participant pleinement à l’avancée de sa communauté.
Alors que la France est mondialement connue comme le pays des droits de l’Homme et de la liberté, alors que sa devise est “Liberté, égalité, fraternité”, alors que l’humanité est la championne de l’évolution, pourquoi freiner toutes ces notions ? Nous sommes libres de transitionner ou non, nous luttons pour l’égalité, nous aspirons seulement à la fraternité, et nous sommes l’avenir du monde.

Alors laissez-nous exister, tout simplement.


Signataires

Transat
Fransgenre
Divergenre
Association Trans Toulousaine et Occitane (ATTO)